Ronchamp – juin 2023

Nous étions cinq personnes à en attendre vainement d’autres sur le parking à l’extrémité de « l’Étang des Ballastières’’ (deux parties partagées par une fine bande de terrain). Facile à trouver, ce vaste plan d’eau, ancienne sablière, comblant la distance entre deux localités importantes de la Haute-Saône par leurs passés : historique pour Champagne et industriel pour Ronchamp, sans oublier pour cette dernière un édifice dont la renommée et les images (deux timbres postes) ont fait le tour du monde.

Départ à 9 h, en tournant d’abord le dos à Ronchamp pour viser Champagney ; un sentier large et confortable se coule entre la D4 et la rive de la partie la plus à l’ouest de l’étang. Après 700 mètres, le chemin balisé de deux pics entrecroisés oblique franchement vers les premières collines vosgiennes qui s’étendent droit devant, formant un barrage.

Nous traversons l’étang et changeons une nouvelle fois de cap. Dardé par un plein soleil dans l’occiput, nous repartons vers Ronchamp en tournant le dos au  terrain de camping et la base de loisirs. Notre loisir à nous, c’est le ‘‘crapahut’’ et les découvertes… et voici la première :

L’immersion immédiate dans une jungle luxuriante, de type asiatique (on peut le dire) sinon tropicale composée exclusivement de hautes tiges de renouée du Japon qui nous submergent de près de deux mètres. Un étroit sentier découpé dans la masse végétale se glisse dans le ventre tendre de cette herbacée qui, depuis son introduction comme élément décoratif depuis plus d’un siècle, a échappé à tout contrôle et colonisé les zones humides et les bords de cours d’eau.

Les cinq aventuriers sont enserrés, ne voyant rien d’autre qu’une forêt drue de tiges fragiles et creuses qui déploient leurs larges feuilles en forme de cœur, masquant l’étroit passage.

Le dépaysement est total pendant dix minutes puis, comme par enchantement, une petite rivière emprisonnée avec nous vient à notre rencontre. Christiane, notre guide lance un cri : « C’est le Rahin ! » Apparemment, toute la bande connaît cet affluent de l’Ognon, qui dévale le long du flan occidental du Ballon d’Alsace. Un léger courant révèle que ce gros ruisseau déjà à l’étiage vivote encore, attendant des précipitations promises mais qui tardent, tardent !

Un pont maintenant, où plutôt une passerelle dont les concepteurs ont curieusement surélevé le tablier de plus d’un mètre, et en oubliant (ou omettant) tout accessoire pour l’atteindre aisément. Nous voici plantés devant l’obstacle.

Qu’à cela ne tienne ! Planqué dans le chaos végétal, un escabeau est prestement dégagé par l’un des organisateurs prévoyant. De l’autre côté, nous retrouvons le même labyrinthe au sein de cette intruse envahissante, mais nous ne tardons pas à débouler hors de la verdâtre masse compacte en accédant à des terrains en friches (de types européennes celles-là) d’où émergent des bâtiments à caractère vaguement industriel, mais difficilement définissables, mélange de sheds et d’habillages ornementaux.

Sur une partie dégagée, bien en vue, un individu semble attendre en reluquant l’orée de la fausse bambouseraie… C’est justement nous qu’il guette ; ce qui ne surprend pas le couple organisateur, Christiane (Kiki) et son mari.

Il se présente, briffe son blaze et son titre (David Tourdot, directeur de la Filature), son job (administrateur d’un centre culturel et de loisirs) et la raison de sa présence (sur demande de nos G.O.) : nous faire découvrir ce qu’il est advenu de l’usine de filage textile créée en 1842 et morte en 1981.

En quelques mots : la friche industrielle est devenue propriété de la communauté de communes dont dépend Ronchamp. Bien plus tard, l’argent, les subventions et les idées ont enfanté un projet de réhabilitation des anciens locaux et bâtiments, pour le bénéfice des habitants des communes concernées.

Plusieurs cabinets d’architectes ont planché pour désigner un lauréat à qui serait confié la réalisation du complexe ; meilleure restructuration au meilleur coût.  La mise en service remonte à une date très récente, les initiateurs du projet s’ingénuent encore pour en assurer la promotion.

Visite des installations :

Derrière notre gradé guide, nous circulons de pièces en salles découvrant différents locaux associatifs, caractérisés (musique, sports et jeux…) ou non, loués temporairement, occasionnellement, ou confiés quasi gracieusement à des sociétés ayant pignon sur rue.

Une vaste cour couverte permet des rassemblements festifs ; d’ailleurs, la bamboula d’hier soir (samedi) a laissé dans un gymnase attenant, quelques protagonistes qui pioncent encore dans des sacs de couchage jetés à même le plancher. Tirés des limbes par notre intrusion, quelques zombies trouvent l’énergie nécessaire à soulever un instant la tête…

Passage par un bâtiment ultra verrouillé réservé aux magiciens de l’informatique appliqués à la fabrication d’objets. Les nombreuses imprimantes 3D réunies ici justifient l’impressionnante mise sous clé.

Fin de la visite. Le directeur reconnaît que les installations sont encore loin de tourner au maximum de leurs possibilités, mais, assure-t-il : « Ça progresse, ça progresse ».

Intéressante diversion, mais maintenant, marchons ! Traversée de Ronchamp aux maisons accolées à un versant abrupt, passage sous le pont de la ligne SNCF de Belfort à Vesoul et montée par un sentier rude tout au long d’un chemin de croix (12 stations).

Devant l’entrée du domaine clos de ‘‘Notre Dame du Haut’’, chapelle en béton réalisée par l’architecte Le Corbusier en 1955, nous calons. Notre randonnée n’ayant pas prévu de visite (payante), nous bifurquons, entamant par la route une descente que reprend un sentier outrageusement raviné. Le sol en résidu gréseux s’abaisse fortement pour atteindre la ‘‘Vallée du Rhien’’, 120 mètres plus bas.

S’ensuit maintenant un parcours routier sous le soleil de la mi-journée approchante. Nous passons devant quelques hameaux isolés puis une voie vicinale entreprend de nous faire revenir en direction de Ronchamp.

Nous revenons en sous-bois pour nous attaquer au plissement où sont disséminés plusieurs vestiges du passé minier de la ville (arrêt de l’exploitation en 1958).

Sur un monticule artificiel, nous atteignons l’entrée d’une galerie s’enfonçant droit dans le bassin houiller ; c’est le premier puits composant ‘‘les puits de l’Étançon’’.

À proximité, un banc suffisamment allongé pour y loger les fesses d’une équipe de gueules noires, nous reçoit pour une pause conséquente, et le casse-dalle, arrosé comme il se devait au cours des années lointaines de l’exploitation du charbon.

Pas de sieste, mais ¾ d’heure plus tard, nous remettons le collier pour revoir, perdus dans le bois, d’autres anciens puits d’accès scellés à demeure ainsi que certains vestiges difficiles à désolidariser de la montagne.

Le bourg est à deux pas, et avec lui une ancienne usine, « Maglum », désaffectée elle aussi, qui fabriquait des pièces mécaniques (fonderie de bronze).

Passée cette ultime friche industrielle, nous regagnons le couvert fantasmagorique (malheureusement sans aucune vie mais heureusement sans bestiaire fantastique), retraversons le Rahin en redisposant l’escabeau, mais cette fois pour descendre et en dix minutes la dernière traversée de la sylve colonisatrice nous libère à vue des voitures, qui n’ont pas quitté l’ombre des grands arbres du bord de l’eau.

Cet échantillonnage de membres de l’AF-CCC avoue sans aucune réserve avoir passé une excellente journée de rando, bien préparée, menée et agrémentée ; variée et parfois surréaliste, comme cette féerie de renouée.


Texte : Guy Diemunsch, photos Christiane Lelourdy

Cette publication a un commentaire

  1. KUHN Michel

    Bravo à Guy d’avoir si bien retracé cette magnifique journée que j’ai plus qu’apprécié tant par la beauté du parcours même si mon chemin de croix en fut vraiment un dans la montée vers la chapelle , et par la découverte de mes quatres compères dans ce club des 5 revisité .
    Merci à Christiane et Jean Claude , les « locaux » qui ont minutieusement préparé cette balade, je n’oublierai pas non plus Dominique (avec un Q et pas un C, a t’elle bien précisé ) qui est capable d’égailler en paroles tout le parcours , et Guy dont la narration de la journée démontre si besoin que nous avons vécu et partagé sous la chaleur un chemin qui nous a guidé vers de nouvelles et belles amitiés . En espérant se retrouver une prochaine fois .
    Michel .

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