Située sur le chemin de Compostelle, à 7 km en amont de Belfort, la Commune de Phaffans (500 habitants environ) n’est pas seulement connue pour les grenouilles servies dans son Auberge renommée !
Les pèlerins à destination de Santiago sont invités à pousser les portes de l’Église Notre-Dame de l’Assomption. Construit en grès rose entre 1700 et 1728, cet édifice baroque, situé dans l’enclos du cimetière, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Parmi ses richesses, à noter un orgue datant de 1858 signé des célèbres facteurs les frères Verschneider.
Mais ce qui retiendra surtout l’attention des pèlerins, outre une statue de Saint-Roch (dans une chapelle sur la droite, il faut bien lever la tête !) et une statue de Saint-Wendelin, patron des troupeaux et animaux domestiques (dans le chœur), c’est une fresque composée de quatre panneaux de 1 m de côté, illustrant le chemin jacquaire.
Le curé Jean-Marie Baertschi, qui officia de 2002 à 2014 dans la paroisse Phaffans-La Baroche, en passa commande à Marie-Cécile Chevalley, peintre et graveur reconnu en Bourgogne Franche-Comté, qui, après des études aux Beaux-Arts de Paris, enseigna les arts plastiques durant 35 ans. Tous deux unirent leurs réflexions, l’un avec ses mots, l’autre avec ses pinceaux, pour mettre en images la symbolique compostellane, tout en l’ancrant dans la réalité de la paroisse. Difficile de faire une description exhaustive de cette œuvre datant de 2013, tant elle fourmille de mille détails !
La lecture de la fresque, dont les couleurs dominantes se limitent à l’encre de Chine, au bleu de cobalt et à l’ocre, peut se faire de toile en toile. Le premier panneau fait la part belle à un cartouche de Phaffans repris d’un tableau de l’abbaye de Lucelle, qui fut à l’origine de la construction de l’église. Le visage de Saint- Jacques, inspiré d’une sculpture se trouvant à Notre-Dame-du-Puy-en-Velay, occupe la place centrale du deuxième tableau. Montées, descentes, enroulement labyrinthique du troisième symbolisent le cheminement qui mène, dans le quatrième volet, au but espéré : la cathédrale de Santiago.
Mais le visiteur peut également s’égarer à plaisir parmi les symboles présents tout au long de l’œuvre. La myriade d’angelots habitant la sphère céleste (78, en clin d’œil aux 78 anges baroques en volume ornant l’église) peut être considérée comme un élément protecteur accompagnant le marcheur jusqu’à Compostelle. Les échelles, les cervidés, les arcs-en-ciel jettent des ponts entre la terre et le ciel. Ils font écho aux constructions bien terriennes du Prieuré de Marast, de la cathédrale de Belfort, des églises et cathédrales du Puy, de Conques, ou encore Santiago…. Les étoiles, les croix de l’Ordre de Santiago balisent le chemin et la ligne sinueuse traversant l’œuvre de part en part symbolise l’avancée vers le but à atteindre. Le pèlerin attentif pourra méditer aussi sur le poème sur fond bleu de Jean-Marie Baertschi, « Labyrinthe », dont voici un extrait :
« Marchand qui par ici marches et passes, homme de grandes errances qui prends en cible l’horizon des cathédrales, grenadier qui boit le chant de ta gourde, ou toi boitant de tes creuses amours, dans une pause à l’ombre ouvre ton sac et ta chemise et qu’y causent les pierres ! »
Source : Plaquette « Phaffans Compostelle » de Jean-Marie Baertschi et Marie-Cécile Chevalley
Rédaction : Nicole Blivet
Montage et photos : Gabriel Vieille
Fiche patrimoine au format PDF disponible en téléchargement
Phaffans (90) - Fiche patrimoine
Labyrinthe 2013
Marchand qui par ici marches et passes,
homme de grandes errances qui prends en cible l’horizon des cathédrales,
grenadier qui bois le chant de ta gourde, ou toi boitant de tes creuses amours,
dans une pause à l’ombre ouvre ton sac et ta chemise et qu’y causent les pierres !
Sur la mer et sa nuit tu as mémoire de lourdes coques emportant des hommes
aux colonnes d’Hercule et jouant d’eux aux îles pour retarder l’occident,
oublier Ithaque et perdre Ariane !
Serais-tu de ce voyage incertain, goûtant les aléas et les sirènes ?
De tous ceux qui sont partis des tombeaux comme Orphée et sa guitare orpheline
tu as mémoire, et d’un manteau de nuit tu revêts ta colère pour l’espoir
et pour croire en des chemins de surprise.
Homme qui reviens du séjour des morts, je t’interpelle en cet entêtement !
Il est aux lointains de la chrétienté de ceux qui endormis furent portés
aux pierres de la Baume, au bout du champ des étoiles, au port de la gitane,
arc-boutant le continent au levant dessinant routes à sainte Brigitte
et lui offrant son bâton d’olivier
O toi qui passes comme dénudé,
mais écoutant le roman des coquilles ou les appels des ailes des moulins,
voici que celles des éoliennes t’ébranlent et de prière ne reste
que les odeurs et les gémissements de nos chairs s’emmêlant à de grands vents.
En tous ces rêves, sur la mer ébène sillonnent des radeaux aventuriers
qu’emportent aujourd’hui d’âpres désirs,
et sombrant à d’inaccessibles côtes Ils sont foule pressée, et tues seul.
La peur cherche sa musique et je quête une parole où se puise un accord.
Là-bas sur des vagues d’eau et de nuit, dessinant une géographie sommaire,
Une pauvre barque galiléenne Berce et secoue quelque dormant.
Et là, s’entre pénètrent silences et cris
Tant que d’ un rivage à l’autre frontière se peut lever un spectre fraternel.
poème de Jean-Marie Baertschi
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