Festival printanier – février 2024

20 passionnés sont rassemblés sur le parking de la salle des fêtes de Arcey (25). Une belle troupe pour une équipée à travers champs, bois et curiosités géologiques, ficelés ensemble par des petites routes tranquilles et des chemins parfois boueux à maculer irrévérencieusement les godasses proprettes qui trépignent d’impatience. Les guêtres et bas de pantalons ne sont que provisoirement propres.

Heureusement pour ces intrépides randonneuses et randonneurs de l’AF-CCC renforcés par plusieurs sympathisants, il ne pleut pas et d’ailleurs, le temps – bien que maussade – restera sec, c’est promis !

Ils piaffent, bâtons en mains et casse-dalles sur le dos, impatients de se confronter à la première séquence purement champêtre qui s’annonce vraiment détrempée. Pourtant, avant de se lancer ils doivent encore entendre l’initiateur de cette équipée, et subir une sommaire présentation du village de départ. Il insiste particulièrement sur un détail historique, épisode tragique qui s’est déroulé sous la férule d’un roi assoiffé de conquêtes et de grandeur, vaniteux à prétendre faire de l’ombre au soleil lui-même.

Petit rappel historique : La Franche-Comté, jouissant encore au 17ème siècle d’une certaine autonomie – mais loin de l’Espagne et des Pays-bas – était une proie facile pour Louis XIV. En 1674, des troupes de dragons cantonnaient dans Belfort. Entre cette ville et Arcey, s’étend le territoire inviolable dépendant du Duc de Wurtemberg : la principauté de Montbéliard.

Ainsi, les troupes françaises (soutenues par des mercenaires) ont désigné Arcey, important village du secteur, comme cible de leur vindicte et s’abattirent pour administrer une déculottée punitive.

Devant la résistance des habitants retranchés dans le cimetière et le pillage ne leur suffisant pas, les soudards s’en prennent à l’église, enfumant les femmes et les enfants qui s’y sont réfugié, avant de mettre le feu au clocher qui embrasa l’édifice tout entier. L’incendie causa la mort de 94 innocents.

À 9h15, les chevaux sont lâchés et notre troupe s’engage à travers prés par un chemin agricole stabilisé, mais devenant vite défoncé par les roues de tracteurs. Ce sont les côtés, spongieux mais plus fermes qui soutiennent nos pas en suivant les abords du ‘‘bois du Mont’’, massif forestier des ‘‘Avants monts du Jura’’.

Nous abordons ainsi le village de Désandans où nous retrouvons la D 683, puis un bon chemin qui s’attaque à la côte et monte régulièrement. Une brèche s’ouvre, et délaissant les secteurs à ‘‘campenottes’’ – ce n’est pas encore le moment -, nous bifurquons pour nous rabattre sur l’extrême village du Doubs : Le Vernoy, où se fait la jonction avec le ‘‘Chemin de Compostelle’’ franc-comtois.

Contournant une ferme, un sentier s’engage sur le flanc opposé du massif forestier que nous venons de contourner. C’est sur ce court tronçon balisé que nous rencontrons les plus mauvaises conditions, pataugeant dans la gadoue liquide sans possibilités de s’en écarter. Totalement ‘‘cambronnenlisés’’ en provoquant des bruits de succions à chaque dégagement. 200 mètres, ça paraît court, mais que c’est long ! « J’aurais préféré les petites fleurs », entendra-t-on…

L’enfoiré qui nous a conduit ici l’affirme : C’est le seul passage délicat… mais puisque nous y faisons passer des pèlerins, pourquoi pas nous ? C’est ma foi, vrai !

Retrouvant la Haute-Saône, nos bas de jambes souillés peuvent commencer à s’assécher. Les talons qui claquent sur le revêtement du nouveau chemin estompent les bruits de voix courroucés.

Nous traversons Chavannes, échappant à un apéritif improvisé – dressé par la population du patelin – où nous n’étions, hélas, pas invités.

Chavanne – avant et après …

Secteur routier maintenant, pour s’évincer en traversant la Ligne à Grande Vitesse ; au passage, point de vue sur la gueule ouverte du seul tunnel de la ligne (longueur : environ 2000 mètres).

Nous arrivons enfin à Villers-sur-Saulnot et à notre lieu convenu pour repos et repas de midi : ‘‘La Forge d’Isidore’’, refuge qui figure sur notre topoguide depuis sa première édition.

Le couple âgé qui nous reçoit, bien connu de notre association, à la gentillesse de nous recevoir gracieusement dans leur salle rustique à souhait, en mettant sa ‘‘Table d’Hôtes’’ à notre disposition. Cette (double) table peut rassembler 20 personnes ; pour nous s’est juste le compte ! Il est tout près de midi, nous investissons les lieux sans même avoir à nous déchausser ; nous ne salirons rien.

Un agréable feu de bois dégage chaleur et bien-être. Les vicissitudes du matin sont oubliées ; nous sommes bien !

Après une heure de délassement et une tournée de café pour laisser quelques petits sous en guise de dédommagement pour l’accueil charmant et amical, une salve d’aurevoirs, et nous repartons.

En s’éloignant de Villers-sur-Saulnot par la rue de la Baume, la masse nuageuse se déchire et permet au soleil de nous gratifier d’un sourire timide avant de s’effacer. Merci quand même !

D’abord bitumé, le chemin garde sa solidité, mais c’est la roche râpée et la mousse qui assurent nos pas. Nous n’avons fait qu’un demi-kilomètre quand nous dévions. Un sentier s’engage et se coule entre des arbres pour nous emmener vers une balustrade métallique bordant un précipice. En contrebas, les ramures en tenue d’hiver laissent voir des champs et une lignée arbustive qui vient, au plus creux du terrain, chercher à s’approcher du pied d’un vaste escarpement. Et depuis notre belvédère, nous pouvons embrasser tout un cirque rocheux couvert de végétation en sommeil et généreusement piqueté de fleurs, blanches comme neige ; l’endroit est dénommé la ‘‘Cotelotte’’.

Rassemblement pour entendre quelques mots de présentation sur ce site qui constitue le ‘‘clou’’ de la randonnée.

Il ressort que : La grotte de la Baume de Gonvillars se trouve juste en contrebas de ce cirque calcaire. Nous ne la voyons pas, mais en revanche, nous allons y descendre. Des spéléologues ont pu parcourir la galerie principale sur 600 mètres avant d’être bloqués par un siphon étroit. Deux galeries annexes ont été explorées sur près de trois kilomètres.

La ligne d’arbres et de fourrés que l’on aperçoit dans la prairie (terrain privé interdit d’accès) encadre un ruisseau – la Sapoie – qui vient buter au pied de la pente. Les eaux qu’il conduit sont sans doute à l’origine du travail de sape exercé depuis des millions d’années, jusqu’à ce qu’il se fore un passage dans le sol. Actuellement, l’eau s’engouffre dans un boyau, récupère d’autres écoulements et forme une rivière souterraine qui retrouve le jour dans une résurgence à 10 km d’ici, sur la commune de Lougres. Un kilomètre plus loin, c’est le Doubs qui bénéficie de son appoint. De même qu’à la grotte, des plongeurs spéléo ont avancé de 4600 mètres en franchissant 13 siphons.

Place à la descente, par un sentier abrupt, mais où des rondins branlants sont assujettis pour constituer des marches. Nous traversons le tapis floral de nivéoles immaculées où se glissent parfois des ‘‘pétales’’ d’un rouge orangé très vif : ces champignons d’hiver, sont des ‘‘pézizes écarlates’’. Si la descente prend du temps, c’est surtout parce que nous sommes en plein enchantement.

La sente maintenant étroite se met à contourner un pan rocheux. Des mains bien outillées sont venues deux jours plus tôt améliorer et sécuriser les passages les plus délicats. Quelques découpes à la tronçonneuse et l’installation de cordes facilitent l’approche et, au détour du rocher nous débouchons face à la gueule béante et déchiquetée. La récompense des audacieux venus braver le dragon qui dort quelque part, se ramène à quelques photos souvenirs.

Encore quelques mots, pour tout savoir ?

Des fouilles archéologiques menées depuis 1880 ont montré par la découverte de pointes de flèches et d’hameçons en silex, qu’il y a 12 000 ans, des êtres humains fréquentaient cette caverne. Un squelette d’ours a prouvé qu’ils n’étaient pas les seuls à connaître l’endroit (les uns et les autres ne devaient pas faire ménage ensemble). De cette période reculée, glissons de 6 000 années pour découvrir un monde de chasseurs qui s’abritaient temporairement. Des fouilles récentes ont mis au jour des ossements d’animaux servant de gibier : loutres, renards, sangliers, chevreuils, ours et bisons…, ainsi de des restes de céréales calcinées.

L’étude de la levée de terrain devant la grotte montre que l’entrée fut fortifiée (datation estimée : – 2000 à -725).

La balade se poursuit en s’élevant jusqu’à l’arête découpée dessinant le contour circulaire du ravin. Une piste informelle permet de s’approcher au plus près et de contempler différentes compositions de roches déchirées où dans les interstices se sont invitées des touffes de jonquilles, et de perce-neiges.

Nous prolongeons le contournement où le coteau s’estompe, devenant sous-bois. Là, toute une féerie naît et se propage, où la couleur jaune domine en toute majesté sur le tapis vert de feuillage combiné en écrin ; le peuplement floral en campenottes s’étend sur un vaste jardin naturel. Magnifique !

Après ce léger écart voulu par tous et sans regret, nous revenons sur le chemin principal pour traverser Gonvillars. Il nous reste moins de six bornes à arpenter pour conclure cette randonnée.

Autre terrain, autre nature ; c’est maintenant une forêt que nous visitons par des chemins stables et sains, sans risque de dérapage. En limite de parcelles récemment mise à blanc, ce sont les troncs morts d’innombrables épicéas qui retiennent l’attention. Scénarisé par les scolytes et mis en scène par les pluies acides, le spectacle n’a rien de romantique.

Enfin, un parcours de promenade dans un bosquet nous ramène à l’entrée d’Arcey où il nous reste à suivre les clameurs montant du stade de football pour revenir vers la salle des fêtes et retrouver les voitures. Nous avons parcouru 17,5 km. Une bonne tirée ; que les mécontents lèvent la main !


Texte : Guy Diemunsch
Photos : Nelly, Nicole, Michel, René

Cette publication a un commentaire

  1. Michel

    Guy, merci pour ton organisation de cette belle randonnée, pleine de vie, de découvertes, de bonne humeur et de ton humour si bien relatés au travers de ton compte-rendu.

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