Aujourd’hui dimanche 20 Mars 2016, premier jour de printemps avec son sourire qui brille. Les prévisions météo sont très prometteuses. Sous un ciel un peu voilé par les brumes matinales et un soleil jouant à cache-cache avec celles-ci, nous sommes 18 au départ de la boucle de cette randonnée qui nous conduit d’Osselle à Byans sur le Doubs. L’ambiance est décontractée et chaleureuse. Il est 9h, top départ près de la plage d’Osselle !
Nous empruntons la « Véloroute du Doubs » qui, longeant le canal, rejoint le Doubs par le chemin de halage. En majorité Voie Verte interdite aux véhicules motorisés, cette piste fait partie du projet d’Eurovéloroute N°6 allant de Nantes à Budapest. Le paysage est beau, serein, rien ne vient troubler nos méditations si ce n’est, de temps à autre, une envolée majestueuse de colverts. Les oiseaux chantent, les poissons, goujons, carpes et autres habitants des eaux sont réveillés.
Les cœurs sont légers. Peut-être égoïstement, sans penser à nos amis courageux souffrant d’un genou, d’une hanche, nous attaquons d’un pas ferme et décidé ces 4 km « de plat » qui rejoignent « les papeteries de Boussières » spécialisées dans les papiers fins, opérationnelles depuis 1881.
Un barrage, établi en 1830 sur le Doubs par les Ponts et Chaussées, permet l’aménagement d’un bief de dérivation qui met en service un bâtiment d’eau équipé de trois turbines. Deux cheminées ont été construites entre 1883 et 1887 dont une seule s’élève encore, imposante dans les cieux.
Nous laissons la véloroute aux cyclistes qui commencent à affluer et bifurquons sur un petit chemin qui longe le canal pour arriver au pont qui l’enjambe. Nous traversons la nationale, grimpons par un petit sentier à travers bois. Attention aux grands méchants loups !
Malgré quelques écharpes de brume, nous découvrons un superbe panorama sur la vallée du Doubs et ses collines tout en contraste : guerrières avec les ruines du château de Montferrand, pacifiques avec la Vierge protectrice de Notre-Dame du Mont, commerçantes avec la Percée de Thoraise. Nous rêvons en grimpant l’Essart du Loup à ces époques lointaines où la beauté simple et tranquille de nos paysages comtois pouvait être troublée par de sinistres rencontres.
À l’entrée de Boussières, dont les habitants en 1092 sont surnommés aussi les « loups », nous découvrons et admirons, se découpant dans la lumière du matin, le clocher comtois du XIe de l’église Saint Etienne puis, à son pied, le porche du XVIe siècle, classés tous deux aux Monuments Historiques depuis 1913.
Il est à peu près sûr que le site de Boussières a été occupé par l’homme dès la période mérovingienne. C’est au XIe siècle qu’on voit trace écrite de la cité pour la première fois. Elle était à l’époque la propriété de la Seigneurie d’Abbans, mais les seigneurs de Thoraise et de Chalon-Arlay y avaient aussi des biens. Jeanne d’Abbans, en l’an 1290, vendit la Seigneurie d’Abbans à Jean de Chalon-Arlay. Boussières en faisait partie. Les écrits qu’on retrouve font mention d’un incendie qui détruisit presque totalement le village en 1548. C’est en 1801 que Boussières devint chef-lieu de canton.
C’est la pause « p’tit déjeuner » et photos pour immortaliser cet instant puis nous reprendrons notre chemin gaiement. Les jardins sont en fête, les fleurs, habillées de jaune, bleu, blanc… s’ouvrent de bonheur.
À la sortie du village nous arpentons un chemin recouvert de petits graviers blancs, les pâquerettes étincellent sur les verts tapis. Tous, nous aimons ces petits chemins pentus qui sillonnent à travers les grandes prairies découvertes.
Puis la forêt avec ses senteurs de bois fraîchement coupé, son concert de chants d’oiseaux, ils dansent, s’accouplent et préparent leur nid, au loin le bruit des tronçonneuses qui s’activent, une descente puis c’est la découverte d’un petit ru aux eaux cristallines s’amusant à travers pierres, mousses, enchevêtrement de branches, une coupe de bois, le merle siffleur, un moment privilégié… Nous nous octroyons une pause de 20 mn dans ce petit coin de paradis. Nous avons parcouru 11 km dans une campagne enchanteresse.
Il est midi, nous arrivons à la pause déjeuner à Abbans-Dessous. Nous nous installons autour des tables de pique-nique – Un des meilleurs moments de la journée ! Les plaisanteries fusent, les discussions se distillent autour du pot de l’amitié offert par les deux organisatrices de cette rando, l’auteure de ces lignes et Yvette. Une cavalière nous offre son plus merveilleux sourire… Il fait beau… les gens sont heureux, ils accueillent dans leur cœur ce printemps tant attendu.
Les agapes habituelles de gâteaux et autres gâteries terminées il est 13H45. Nous avons encore 13 km à parcourir à travers bois pour rejoindre Byans.
200 m après un oratoire dédié à la Vierge, nous empruntons un chemin empierré qui débouche dans la rue Jouffroy d’Abbans à Abbans-Dessus. Cette montée est courte mais coriace. Pour tenter de rassurer les moins vaillants, j’ « interprète à ma manière » les quelques passages difficiles de montées, promettant des kilomètres et kilomètres de descentes, mais personne n’est dupe…
Le village est construit sur un éperon rocheux et surplombe la forêt de Chaux ainsi que la vallée du Doubs. Il est cité (sous la forme Albans-Dessus) dans le poème d’Aragon, « Le Conscrit des cent villages », écrit comme acte de résistance intellectuelle de manière clandestine au printemps 1943 pendant la seconde guerre mondiale. Il est probable, au vu de sa situation stratégique, qu’il a eu pour origine un oppidum (agglomération généralement fortifiée) gallo-romain. Il comporte un château dont n’est vraiment apparent et célèbre que le donjon où le marquis Claude François Dorothée de Jouffroy d’Abbans, architecte naval et concepteur du bateau à vapeur, aurait en grande partie conçu son œuvre. On trouve mention faite de l’édifice dès 1091. Il appartenait aux sires d’Abbans. Abbans-Dessus a été le lieu de cultures céréalières et d’élevage. La vigne y a été prolifique jusqu’au XIXe siècle où elle a été totalement éradiquée par le phylloxéra.
Nous prenons le temps de grimper jusqu’au portail du château du Marquis, puis, au centre du village, visitons l’église. Les marcheurs sont surpris, voici la deuxième église ouverte ! Celle-ci, charmante, est placée sous le vocable de l’Assomption.
Au niveau du cimetière nous nous dirigeons dans la rue du Chatelot. Une petite halte à droite à la Vierge et au sommet de la petite côte, une belle vue dégagée sur la vallée de la Loue, le Mont Poupet et les monts du Jura. Nous traversons la D13 et rejoignons une rue empierrée qui se transforme en sentier forestier s’enfonçant dans un sous-bois bien agréable.
Le chemin arrive à une clairière dont nous longeons le bord en suivant la ligne de crête. Nous retrouvons un petit sentier partant vers le belvédère dont nous apercevons les barrières. Il nous offre une vue sur Byans-sur-Doubs, la Vallée du Doubs, la forêt de Chaux et le Massif de la Serre.
Pour le plaisir des yeux, des tapis de jonquilles s’offrent à nous, les papillons dansent, nous trouvons même des jacinthes. Petite halte pour la cueillette de quelques fleurs à offrir, nous laissant aussi le temps de méditer sur les sentiers clair-obscurs de ces monts boisés. Puis direction « monument des Aviateurs », érigé sur le lieu même du drame à la mémoire de huit membres d’équipage de nationalités australienne et britannique. Ceux-ci devaient effectuer, à bord d’un avion quadrimoteur Short Stirling, un parachutage d’armes et de munitions au profit du maquis du Val d’Amour.L’avion, à cause de difficiles conditions météo, s’écrasa le 1er septembre 1944, à 2 h du matin, sur la colline au-dessus du village de Lombard. Les corps des aviateurs sont enterrés dans le cimetière d’Arc-et-Senans.
Nous amorçons enfin les descentes tant promises, sur un sentier moelleux puis sur un chemin empierré. En vue les premières maisons de Byans. Le chemin est bordé par un vieux murgé (mur de pierres sèches, fréquent dans nos régions). Nous remontons le chemin de Bellevue qui offre une jolie vue sur l’église, rejoignons la D13 et la remontons pour jeter un œil à l’oratoire du XIXe dédié à la vierge. Nous arrivons vers le centre du village, passant entre une belle fontaine et l’église Saint-Désiré en prenant la Route de la Grotte.
À la sortie du village nous bifurquons pour rejoindre un chemin empierré qui s’en va dans les pâtures. Nous prenons le temps de nous retourner pour admirer la vue sur la colline d’Abbans et son châtelet.
Nous passons sous la voie de chemin de fer et le chemin se dédouble. Nous prenons le sentier bien dessiné qui longe la clairière. Il s’abouche perpendiculairement à un chemin puis nous arrivons au pied du pont enjambant le Doubs pour rejoindre Osselle.
L’un des Daniel, sa tablette à la main, nous informe que nous avons parcouru 23,6 km avec dénivelé positif : 368 m, dénivelé négatif : 372 m, point haut : 518 m, point bas : 222 m.
Les visages sont fatigués, les traits sont tirés mais quelle belle journée de détente… Tous remercient chaleureusement les organisatrices et c’est dans la bonne humeur que notre joyeuse troupe se sépare. Sans nul doute n’aurons-nous pas besoin de la berceuse de Brahms pour nous endormir ; nous espérons que cette douce, longue, nuit réparatrice et sereine sera peuplée de jolis rêves.
Jeanne Sanchez
Photos : Jeanne Sanchez, Nicole et Daniel Blivet