11 personnes se sont déplacées pour cette randonnée internationale, dont quatre depuis la Suisse toute proche et une depuis Lunéville. Le hasard a fait qu’il y avait deux René et deux Guy.
On a commencé par la visite de l’église d’Oberlarg qui abrite les reliques de Bernardin Juif, moine, puis prêtre réfractaire, né à Oberlarg, ainsi qu’un tableau représentant les 14 Saints intercesseurs dont St Guy ! On a vainement cherché si René y figurait ainsi que les prénoms des sept autres participants !
Devant la maison de maitre du bailli de l’époque (1717), se dresse un tilleul remarquable datant de la Révolution.
Prenant notre courage à deux mains, nous avons franchi un des derniers gués d’Alsace, l’eau provenant de la Largue dont la source se situe à 500 m en amont.
Peu avant la source, nous avons effectué un saut dans la préhistoire aux rochers du petit homme (Mannlefelsen), des grottes occupées vers 8000 ans avant notre ère. Un crâne daté de 6000 avant JC y a été exhumé, dans les années 1970.
Après le tilleul remarquable, des yeux experts ont repéré un hêtre tout aussi remarquable non loin de la ferme des Ébourbettes connue pour y avoir abrité le Général Giraud avant qu’il ne franchisse la frontière. Évadé depuis sa prison située vers Dresde, il traversa toute l’Allemagne et l’Alsace annexée pour passer en Suisse en avril 1942, rencontra le Maréchal Pétain à Vichy puis prit le commandement des forces alliées françaises à Alger. Il sera par la suite évincé par le Général de Gaulle.
On alterne entre la France et la Suisse pour atteindre Lucelle qui abritait une abbaye cistercienne, une des plus prospères d’Alsace. En 1190, l’abbaye comptait jusqu’à 200 moines, il en restait encore une petite cinquantaine à la veille de la Révolution. L’abbaye fut en partie détruite en 1796. On passe sous la belle porte de Porrentruy, une des entrées de l’ancien site de l’abbaye. On peut encore apercevoir les murs de soutènement, des escaliers, des vestiges de l’église et du couvent ainsi qu’une deuxième porte d’entrée à l’extrémité du parc.
Les bâtiments restants (XVIe siècle) servent à accueillir des groupes de jeunes, un autre faisait office de restaurant aujourd’hui fermé mais il y aurait une possibilité que l’établissement renaisse en 2025-26.
Lucelle est la plus méridionale et la plus petite commune d’Alsace avec 34 âmes en 2021, une toute petite partie est en Suisse. Son lac a droit à la dénomination de lac, car un cours d’eau (la Lucelle) y entre et en sort. Cela en fait le plus petit lac de Suisse.
Grâce à la Lucelle et son lac aménagé par les moines, Lucelle possédait moulins, tanneries, verreries, tuileries et même une activité sidérurgique dès le XVIe siècle. Au début des années 1800 les usines produisaient un fer brut pour la garde impériale. Cette activité s’arrêta en 1882. Une autre particularité de ce village concerne la ferme du Scholis, déjà mentionnée au XIIe siècle. En effet la toiture de la grange envoie les eaux de pluie dans deux directions, d’un côté, la mer Méditerranée, de l’autre la mer du Nord.
Après notre repas de midi précédé d’un apéritif venant du Beaujolais, nous reprenons d’un bon pied notre parcours le long du lac pour atteindre et visiter une autre grotte qui ressemble à celles vues à Oberlarg dans lesquelles nous ne pouvions accéder, se situant sur un terrain privé.
Nous quittons Lucelle pour remonter vers les Ébourbettes en passant par une grosse ferme malheureusement détruite par le feu.
Cette ferme comme celle sise à côté du château de Morimont ou celle du Scholis ont été exploitées par les anabaptistes venus de l’Oberland bernois après la guerre de Trente ans qui a décimé l’Alsace. On remarque sur ces toits un clocheton qui servait à appeler les serviteurs qui travaillaient aux champs ou lors d’incendie pour prévenir les voisins et appeler les secours.
Sur une grande partie de notre parcours, nous avons croisé plusieurs bornes frontières, les plus belles étant celles représentant du côté français, la fleur de lys, du côté Suisse l’Ours Bernois.
Marcel tenait à nous raconter la longue bataille pour la création du canton du Jura (1978) qui débuta par une réunion des leaders indépendantistes au château de Morimont en juillet 1826. Ils jurèrent de libérer le Jura de la tutelle bernoise qui était en vigueur depuis le traité de Vienne en 1815. Ils venaient en France pour ne pas attirer l’attention des autorités helvétiques.
En empruntant le chemin qui conduit au château, on a une vue magnifique sur les ruines ainsi que la ferme attenante, sur Oberlarg et les Vosges. Au point de vue appelé le Rocher des Sorcières, se seraient déroulées des assemblées nocturnes de sorcières pratiquant des rites démoniaques.
On arrive enfin au château. Les engins de chantier ont disparu après avoir consolidé l’édifice qui appartient aujourd’hui à la famille Viellard (grande famille industrielle de Morvillars connue notamment pour la fabrication d’hameçons).
Le château de Morimont date de la fin du XIIe siècle. Il appartenait au Comte de Ferrette, famille descendant des Comtes de Montbéliard. Lors du tremblement de terre en 1356, le château fut totalement détruit. Ce sont les Morimont, vassaux des Comtes de Ferrette qui le reconstruisirent.
Il fut revendu dans les années 1500 à un comte siégeant à la cour des Habsbourg à Vienne. Lors de la conquête de L’Alsace en 1636 par les troupes françaises, le château fut totalement détruit. Plusieurs propriétaires se sont ensuite succédé et l’ont restauré, puis le château a servi de carrière de pierre jusqu’en 1864.
Après avoir fait le tour du propriétaire et après un dernier effort vers le village d’Oberlarg, Français et Suisses sont repartis enchantés en souhaitant réitérer cette expérience.
Texte Guy Martin – Photos : Nicole, Guy et René
Beau reportage, merci