C’est le 21 mai, que se retrouvèrent quelques-uns des randonneurs habitués aux rencontres des troisièmes dimanches de chaque mois. Pour une occasion toute particulière, les 6 briscards(des) de l’AF-CCC étaient renforcés par une importante délégation des ‘‘Randonneurs de la Vallée du Rupt’’ (un couple, mais 25 % de la troupe…, quand même). Dès le rassemblement, il était réjouissant de constater que le courant passait à merveille entre tous.
À ce propos, il faut souligner que les ‘‘RVR’’ se sont spontanément associés à notre projet de liaison entre Montbéliard et l’actuel chemin franc-comtois ; faisant cause commune car chaque partie y trouvait un intérêt, l’AF-CCC en se rabattant sur des sentiers existant, par ailleurs entretenus, fréquentés et balisés.
En préliminaire, la journée débuta par une rapide présentation du village de Aibre par lequel passera la future voie de raccordement et qui sert de point de départ à la randonnée programmée ce jour.
Aibre n’offre pas d’autres particularités que de se trouver à la fois dans le département du Doubs et en Haute-Saône (Communauté de Communes du pays d’Héricourt).
Ce mi-partisme semble poursuivre les ‘‘Tyntières’’ (moustiques en patois local) depuis toujours. Déjà, sous la tutelle des Comtes de Montbéliard (Princes de Wurtemberg), le ruisseau (Rupt) qui traverse le village, servait de frontière entre la seigneurie d’Héricourt et le Pays de Montbéliard. L’entente administrative fonctionna sans heurts jusqu’à la réforme, puis le Prince Frédéric épousa la réforme luthérienne.
Entre les ‘‘calottins’’ d’un côté et les sujets du Prince de l’autre, l’entente n’était pas vraiment cordiale. Outre les tourments religieux, malmenés par le jeu de la politique et des guerres de conquêtes, les uns devinrent français en 1700 et les autres, 93 ans plus tard, pendant la révolution.
En outre, au fil des siècles et comme partout, les habitants eurent à subir des guerres, des famines et des épidémies. Vers la fin du 17ème siècle, il ne restait que 60 habitants ( 9 maisons debout, 37 chevaux, 46 bovins et 20 moutons… rien au sujet des poules et des lapins).
Les annales ont consigné qu’en 1656, reconnus coupables de satanisme, le maire et sa femme furent conduits au bûcher.
Le nom Aibre vient de Arbre (maison noble au 12ème siècle), dérivant successivement en Arbe, Abre et Aybre. Cette toponymie dénote un environnement forestier important.
9 h ! Tout est O.K., les conditions apparaissent idéales, la température douce et le ciel clair. On y va !
Le petit groupe quitte l’aire de loisirs du lotissement ‘‘Clos de la Fontaine’’ pour pénétrer illico en sous-bois. Il n’y a eu aucun épisode pluvieux depuis quatre jours et sans être tout à fait sec, le sol ne se dérobe pas. Les ornières et flaques résiduelles peuvent s’éviter aisément.
Le relief, d’une manière générale présente peu de dénivelé. Les avant-monts du Jura promènent le Rupt jusqu’à la rivière Allan, à Bart, et ne constituent qu’un réseau de collines basses.
La première montée, effectuée sous couvert, livre la troupe dans les champs qui dominent Raynans. La faible déclivité offre le temps de souffler et d’apprécier les lointains baignés d’une luminosité radieuse libérant des sensations de bien être enivrant, ressenties par toute l’équipe ; tout est bien et beau en ce début de randonnée.
Traversée de Raynans et dans la foulée, Issans ; les deux villages étant accolés. De l’autre côté de la D37, notre chemin se relève, dominant la route de la vallée. Il croise un lotissement récent et trouve un sentier campagnard traversant des parcelles cultivées. Il s’abaisse bientôt et se laisse glisser jusqu’au cœur d’Allondans.
La vallée, une fontaine en eau, la route et des balises jaunes et bleues ; Montbéliard n’est qu’à 2 kilomètres et le balisage observé en provient. Il émane des randonneurs de la Vallée du Rupt et bientôt, nos marques y seront ajoutées. À partir de cet endroit, notre randonnée d’aujourd’hui se calquera sur ces bandes colorées que nous abandonnerons 2 kilomètres avant la jonction avec le Chemin Franc-comtois.
Voici le Rupt ! Contrarié par la route qui l’empêche de lécher les pieds du coteau, il parvient à se faufiler par-dessous et se précipite dans un écrin de verdure en fouillis végétal. Un instant d’arrêt sur le pont ; aucune truite ne daignant se montrer, nous avançons pour retomber sur une sente torturée qui effleure l’eau avant de se lancer à l’assaut d’un raidillon judicieusement barré de marches grossières. Vingt mètres plus haut nous apparaissons sur la rue du temple.
La chaleur n’est pas accablante, mais le long épisode forestier qui prend le relais arrive à point nommé. Nous avons une forêt complète à traverser, avec toutes ses particularités et son charme : sentiers parfois étranglés par des graminées – qui ne penchent que vers l’intérieur des passages -, chemins de débardage, mis à nu et décapés (heureusement, au sol suffisamment sec pour ne se laisser imprimer que par des animaux, chiens, chevreuils…), arbres affalés à éviter ou contourner.
La liste n’est pas complète ; certains noterons des chants de merles ou d’autres oiseaux, certaines seront souvent en arrêt devant une fleur ou une plante, cherchant une ‘‘raiponce’’ sur son téléphone.
Les promeneurs du dimanche ne sont pas rares, arrêtés souvent autour des tables forestières rustiques – taillées dans deux segments de tronc d’arbre ouverts par le centre et assemblés.
Par le faîte du massif forestier, nous atteignons le château d’eau de Sainte-Marie, qui dévie notre parcours. C’est maintenant une bonne descente, ne se terminant qu’en atteignant le village de Saint Julien les Montbéliard. Cette charmante localité ne renie pas l’urbanisme mais aspire à conserver son caractère rural aseptisé ; joli fleurissement, maisons riches et proprettes.
Une fontaine monumentale habilement restaurée fait jouer ensemble trois sources actives en plusieurs bassins à différents niveaux de déversement. Pourraient y trouver leur compte, les animaux ( long abreuvoir canalisé), les lavandières (lavage puis rinçage…) et n’importe quel curieux, promeneur ou amoureux de vieilles pierres.
La pierre justement, à deux pas de la fontaine, un habitant s’amuse à lui donner des formes depuis son atelier à ciel ouvert et jouxtant la rue. En amateur éclairé, ce retraité met à profit son expérience technique pour manier abaques, gabarits et épures. Il crée avec ses meules, burins et outils divers, les formes les plus précises pour entrer dans un élément d’architecture à réparer ou restaurer. Tout un fatras pêle-mêle est laissé en dépôt en attendant d’entrer dans une recomposition architecturale : éléments de fenêtres à meneaux, encorbellements…
Il est déjà tard (12h30) et c’est dommage, car il aime parler de sa passion en donnant force détails ; mais à l’heure du repas dominical il n’est pas convenable de le déranger. D’ailleurs, à ce propos, certains appétits semblent particulièrement aiguisés ; le temps est venu de ne pas traînailler et s’approcher vite du lieu du pique-nique : sept cents mètres par la route.
Une ouverture dans la frondaison, un parking dimensionné pour deux rangées de voitures ; depuis que les villages du secteur ont intégré le giron de PMA (Pays de Montbéliard Agglomération), les ‘‘Étangs des Princes’’ ont connu un regain de fréquentation sans précédent (certainement plus qu’à l’époque des dits princes qui en tant que propriétaires s’accaparaient toute la zone pour leurs seuls loisirs).
Ces plans d’eau ont été recréés au début des années 1990 (trois petits étangs au lieu d’un seul). De nos jours, une société de pêche à la ligne gère l’halieutisme dans deux des trois parties ; la dernière étant dévolue à la protection de la faune, strictement interdite d’accès, hormis à un point d’observation.
Passés les panneaux d’information, nous sommes entrés dans la place. Les deux premières tables forestières sont occupées par les familles de pêcheurs. C’était prévisible, mais notre intérêt est plus loin en suivant le chemin qui fait tout le tour des secteurs accessibles. Encore deux cents mètres donc et un abri maçonné se dévoile ; mais avec lui, des vélos et des jeunes enfants qui jouent.
Tout s’arrangera pour le mieux avec la famille et cinq minutes plus tard nous seront les seuls bénéficiaires des lieux et des deux tables. Nous éviterons celle en plein soleil en choisissant celle à l’intérieur du bâtiment sans fenêtres ni porte ; l’absence de vent la rendant habitable.
Huit personnes autour d’une table de huit places ; disposition idéale, qui donc aurait apprécié d’être le neuvième ? Agréable compagnie, partage d’expériences, oreilles attentives ; il n’a manqué que le chant des pèlerins pour communier pleinement sur l’autel de la convivialité.
La sortie du domaine des étangs nous relance contre la dernière bosse boisée à franchir avant de dévaler une voie d’exploitation stabilisée jusqu’à atteindre et traverser le village de Semondans. Nous y rencontrons une vieille dame pas farouche et encore une belle fontaine, mais hélas sans aucun filet liquide.
Rien ne presse, encore 6 km et nous bouclons la randonnée ; reprise à 14 h, à l’allure de promenade. Délaissant le chemin direct, nous étendons la balade en s’approchant au plus près de la réserve ornithologique, malgré le sol boueux qui tapisse l’accès à la passerelle de séparation des étangs les plus reculés. Dommage ! Aucun héron blanc ou cendré n’a daigné parader. Poursuivant dans un univers de verdure nous nous coulons entre les aulnes qui trempent leurs pieds dans l’eau.
De là, par une petite route nous revenons à Aibre guidés par le clocher vernissé du temple (1773).
Une fontaine se remarque en contrebas du pont sur le Rupt. Active celle-ci, son débit provient d’une source vers laquelle nous allons, par un passage discret. Nous découvrons le ‘‘Poussot’’, résurgence accordée par les entrailles bouleversées d’une géologie locale fantasque. En franchissant prudemment la sommaire passerelle jetée sur le ruisseau qui gonflera le Rupt, nous inspectons les lieux quasi féerique, cherchant où pourrait se cacher la mythique vouivre.
Revenons sur terre, c’est ici que nous abandonnons le parcours balisé qui se poursuit en s‘élevant vers le tunnel de la LGV… avec en contrebas, Le Vernoy (25) et le Chemin de Compostelle.
Nous retournons au point de départ en traversant Aibre, concluant ainsi ce parcours de 18 km.
Texte : Guy Diemunsch
Photos : Danielle Brun-Vaunier, Michel Perceau, Nicole Blivet